L E   R A T   C R E V É
e t   a u t r e s
P H O T O G R A P H I E S
D  É  R  I  S  O  I  R  E  S
N O N - D I D A C T I Q U E S

 

La question quelque peu péjorative « Et c’est ça que vous photographiez ? » est celle qui vient à l’esprit lorsque le contenu de la photo ne correspond à aucun des critères préétablis justifiant sa raison d’être. Le rat liménien, en tête de la série, est l’image emblématique de ce questionnement car crevé, il est la représentation largement partagée par nos congénères du laid, du repoussant et de la mort dans ce qu'elle a d'inacceptable, mais aussi de l'ennui sans objet joliment illustré par l'expression « s'emmerder comme un rat crevé », et ne mériterait donc pas d'être photographié, et moins encore d'être considéré comme du « bô ».

« Et c’est ça que vous photographiez ? » est une réaction épidermique contre les formules usées jusqu'à la corde qui pullulent dans les sites spécialisés et la littérature photographique comme "voir l’extraordinaire dans l’ordinaire", "la beauté est dans l’œil de celui qui regarde", "ce que les autres ne voient pas", "une image vaut mille mots" et autres inepties. La série Et c’est ça que vous photographiez ? vise à une vacuité qui devrait décourager toute tentative de lui découvrir du sens ainsi que toute velléité d'interprétation.

« Et c’est ça que vous photographiez ? » s’inscrit dans la mouvance situationniste au travers de :

   • La dérive : les sujets sont découverts par hasard. Ils sont photographiés tels quels, sans aucune altération.

   • La psychogéographie : les sujets révèlent l’ambiance du lieu, exacerbée par le noir et blanc. Cette conversion/convention est arbitraire. La série « Et c’est ça que vous photographiez ? » pourrait aussi bien être entièrement en couleur, ou mixte (le rat crevé est certes en couleur, mais c'est une coquetterie de ma part). Mais contrairement à la démarche situationniste, « Et c’est ça que vous photographiez ? » ne cherche ni à évaluer ni à expliquer des unités d’ambiances. Ces dernières sont remplacées par des domaines de prédilection aisément identifiables pour peu que l'on s'en donne la peine.

   • Les situations : elles ne sont pas construites comme le préconisait Guy Debord, mais données à voir telles qu’elles se présentent. « Et c’est ça que vous photographiez ? » incite entre autres à considérer la rue comme un terrain d’aventure.

« Et c’est ça que vous photographiez ? » se prévaut du Manifeste pour une École inférieure de la Photographie de Bernard Plossu et Serge Tisseron, qui « se fixe pour objectif d’encourager et valoriser les pratiques réputées inférieures de la photographie .»

« Et c’est ça que vous photographiez ? » s’inspire des ready made de Marcel Duchamp qui invitent à découvrir de l’art en tous lieux, et pas seulement dans les musées où il est momifié.

Les photos de cette série ne sont pas narratives, elles ne racontent aucune histoire.

Les légendes n’ont qu’un rapport fortuit avec les images.

Constat d'échec : aujourd'hui xvi/v/mmxxi, 149 jours après le début de projet, force m'est de constater sur les réseaux sociaux et dans les galeries que la photographie dérisoire est largement pratiquée à un niveau qui force le respect. Mais je persévèrerai.

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